Ouverture de droits pour le cumul emploi-retraite, extension de la retraite progressive, surcote et majoration pour enfants… La réforme contient plusieurs dispositions susceptibles d’être retranscrites dans notre régime complémentaire. La Cavec est cependant tributaire de décisions et de clarifications, de la part des pouvoirs publics, avant de pouvoir passer à l’action. Explications.
« La réforme des retraites présente quelques similitudes avec un inventaire à la Prévert. Elle porte inévitablement les traces des négociations et concessions réalisées jusqu’à la dernière minute pour tenter d’emporter l’assentiment de syndicats et de parlementaires », explique Michel Giordano, président de la Commission relations publiques et communication de la Cavec.
Depuis la création d’une pension d’orphelins jusqu’à l’instauration d’une surcote pour les parents, en passant par la prévention de l’usure professionnelle ou l’attribution de droits pour les travaux d’utilité collective (TUC) : la réforme promulguée le 14 avril dernier brasse en effet un vaste nombre de sujets, tous n’ayant pas nécessairement leur place dans un texte sur les retraites.
« Le résultat, c’est que nul aujourd’hui n’est capable de dire si la loi, dans sa globalité, produira un impact positif ou négatif pour les comptes publics. Du reste, l’État s’empresse de reporter à plus tard certains financements ; ou de les chercher ailleurs que dans son propre budget, comme le montre sa velléité de ponctionner les réserves de l’Agirc-Arrco pour subvenir au coût de la mesure sur les petites retraites », ajoute Michel Giordano.
L’incertitude est également juridique. Sur les 31 textes réglementaires prévus pour l’application de la réforme, tous n’ont pour l’instant pas été publiés au Journal officiel. Le reste pourrait faire l’objet d’arrêtés ministériels, voire de circulaires, sans que rien ne soit encore fixé.
« Au-delà du brouillard technique et financier, la réforme nous éloigne un peu plus encore des principes fondamentaux du système, en compliquant à outrance les calculs d’âge, de trimestres et d’annuités, en multipliant les dispositifs dérogatoires et de solidarité. Elle dilue le caractère contributif de notre retraite – des droits proportionnels aux cotisations – accélère la dégradation du vieux modèle bismarckien. Les assurés, dans le régime de base, finissent par ne plus savoir pourquoi et pour qui ils paient des cotisations. La perte de sens, de logique et de valeurs minent l’acceptabilité sociale », analyse Michel Giordano.
De fait, plus de 7 Français sur 10 disent avoir une vision « moins claire » de leur future pension, depuis la promulgation de la réforme, et 6 actifs sur 10 déclarent ne plus avoir confiance dans le système des retraites (sondage Odoxa, juillet 2023).
Dans cette confusion, la Cavec s’attache à maintenir une ligne claire. La Caisse n’est pas concernée au premier chef par le report de l’âge légal de départ, de 62 à 64 ans : d’une part, en tant que régime complémentaire autonome, elle n’est pas liée par les décisions modifiant les régimes de base ; d’autre part, elle a depuis longtemps anticipé le vieillissement démographique et instauré un âge de départ à 65 ans pour une retraite complémentaire à taux plein – avec un système de minoration et de majoration pour les départs avant et après cet âge pivot.
Nouveaux droits sociaux et familiaux au programme
Au-delà des mesures d’âge, la Cavec a d’ores et déjà coché, dans le catalogue de la réforme, plusieurs mesures dont la transcription, dans son régime, présenterait un intérêt pour les affiliés. C’est le cas, en particulier, du cumul emploi-retraite, pratiqué par de nombreux experts-comptables et commissaires aux comptes. La réforme attribue des droits et une deuxième pension de base, plafonnée1, aux retraités qui poursuivent une activité professionnelle – auparavant, ils cotisaient à fonds perdus. Dans son dernier accord national interprofessionnel, signé en octobre, l’Agirc-Arrco amplifie cette disposition en octroyant des points de pension complémentaire aux retraités-salariés.
« Nous sommes également favorables à l’octroi de droits supplémentaires. Du reste, la mesure a longtemps existé, avant sa suppression par la réforme Touraine de 2014. Ici encore, l’inconstance de la décision politique nuit à la lisibilité de nos retraites », indique Michel Giordano.
La Cavec pourrait également s’emparer d’un autre article de la réforme, qui étend aux professionnels libéraux – de même qu’aux fonctionnaires et aux avocats – le dispositif de la retraite progressive, permettant un aménagement du temps de travail à partir de deux avant la date de départ.
Enfin, la Caisse envisage une traduction, dans son droit et ses règles de gestion, de différentes mesures sociales et familiales contenues dans la réforme des retraites. Il s’agit notamment de l’extension aux professionnels libéraux de la majoration de 10 % de la retraite de base pour trois enfants ou plus, du mécanisme de surcote pour les parents et de la valorisation des congés parentaux ; de l’assouplissement des conditions de départ en retraite pour les professionnels en situation de handicap ; enfin, de la création d’une assurance-vieillesse des aidants.