Didier Weckner assure depuis 2013 la présidence en alternance de l’Arrco puis de l’Agirc-Arrco (1). Il est aussi, depuis 2014, le président en alternance du GIP Union Retraite, en charge de piloter la simplification de notre système de retraite. Membre du Bureau de la commission sociale du Medef, il a fait l’essentiel de sa carrière au sein du groupe AXA, dont il est aujourd’hui le Conseiller en stratégie santé.
Il nous parle des défis qui se posent aux régimes complémentaires et de la stratégie mise en place par l’Agirc-Arrco, au service d’un triple enjeu : renforcer les réserves, préserver le pouvoir d’achat des assurés et développer un «réflexe retraite».
Quelles sont aujourd’hui les priorités de l’Agirc-Arrco ?
Nous poursuivrons, dans les années à venir, notre effort de solidarité intergénérationnelle, qui s’inscrit au cœur de notre modèle paritaire. Nous veillons donc d’abord, aujourd’hui comme hier, au respect de nos équilibres techniques, d’autant plus déterminant dans un monde secoué par les crises et dans un contexte de «papy-boom» – le départ à la retraite de la génération des baby-boomers. Depuis toujours, l’Agirc-Arrco est gouvernée en bonne intelligence par les partenaires sociaux, qui ont toujours su faire consensus pour garantir la pérennité du régime et le paiement des retraites futures. En l’occurrence nous avons défini, dans notre accord national interprofessionnel de 2017, des règles de pilotage stratégique qui organisent la consolidation de nos réserves. Celles-ci sont passées de 61 à 68 milliards € entre 2020 et 2021.
La hausse des prix peut-elle nuire à cette solidarité ?
Nous construisons nos équilibres sur la durée, à un horizon de 15 ans, selon une trajectoire relativement peu sensible aux aléas conjoncturels. Ceci dit, la flambée inflationniste est une épreuve pour tous, à commencer par les retraités, d’autant plus impactés par une hausse du coût de la vie que leurs revenus ne sont guère extensibles. Le conseil d’administration se réunira le 6 octobre prochain, comme prévu, pour décider de la revalorisation des retraites complémentaires, en tenant compte bien sûr de l’inflation. Ce paramètre est du reste intégré dans nos règles de pilotage. Nous devrions ainsi annoncer, pour les 13 millions de retraités Agirc-Arrco, une augmentation des pensions proche de + 5 % – je rappelle que les retraites de base ont été majorées de 4 % en juillet 2022.
Quelles sont les autres priorités de l’Agirc-Arrco ?
Nous investissons beaucoup dans la qualité du service rendu à nos différents publics – salariés, retraités, entreprises. L’Agirc-Arrco a déployé une batterie d’indicateurs qui mesure chaque mois la qualité de ses prestations, à tous les niveaux, depuis l’accueil en agence jusqu’au traitement des demandes de retraite en passant par le calcul des cotisations et des droits. Nous évaluons également la perception de nos publics, sur trois axes : réclamations écrites et téléphoniques, satisfaction des usagers, attentes exprimées par les non usagers. L’ensemble s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue, qui déclenche des plans d’action en cas de moindre performance et nous projette chaque année vers des objectifs plus ambitieux.
Vous êtes le président du GIP Union Retraite, qui réunit l’ensemble des organismes de retraite en vue de créer un système plus simple, plus lisible, plus fluide. Pourriez-vous présenter les dernières avancées en la matière ?
Les français ne pensent pas Agirc-Arrco, Cnav, ou Ircantec, mais tout simplement retraite. Aussi l’ambition est-elle de parvenir, après une information carrière unifiée, à un service unifié, qui propose une seule démarche, valable pour tous les régimes. C’est le principe du «Faisons-le une fois». Nous sommes en vue de la ligne d’arrivée sur un chantier immense et fondateur : la migration des données de carrière, détenues par chaque régime, vers une base de données commune, le Répertoire de Gestion des Carrières Unique, ou RGCU. L’enjeu à terme ? Que plus personne n’ait à démarcher plusieurs Caisses pour reconstituer sa carrière; que celle-ci, dans son intégralité, soit accessible à tout moment, en un clic, à partir d’un simple identifiant. Je précise que le RGCU n’est pas un outil de calcul des droits, chaque régime conservant ses propres règles, mais bien une base partagée, permettant de préparer sa retraite, de rectifier sa carrière, de gérer et de liquider ses droits beaucoup plus facilement.
En attendant le RGCU, quelles sont les réalisations de l’inter-régimes ?
Les membres de l’Union Retraite ont construit et déployé ensemble plusieurs services qui, d’ores et déjà, simplifient significativement les démarches. Le plus emblématique est sans doute la demande unique de retraite en ligne, sur le site lassuranceretraite.fr. Les utilisateurs n’ont plus qu’à remplir un seul dossier, chaque régime traitant ensuite sa partie et se coordonnant avec les autres pour réduire les formalités. Un franc succès : près de 60 % des candidats à la retraite procèdent désormais en ligne (2). Dans une période récente, l’inter-régimes a également lancé la demande unique de réversion en ligne, l’application Mon Compte Retraite, dédiée aux actifs, le simulateur M@rel pour anticiper le montant de sa pension, ou encore, l’attestation d’existence mutualisée – un seul justificatif suffit pour toutes les caisses. Par ailleurs le droit à l’information retraite a beaucoup progressé, depuis sa promulgation en 2003. Aujourd’hui, chacun peut consulter, sur le portail info-retraite.fr, une synthèse de ses droits et un déroulé chronologique de sa carrière, tous régimes confondus, avec un code couleur signalant les informations manquantes.
Comment l’Agirc-Arrco se positionne-t-elle au sein de l’Union Retraite ?
Elle y joue un rôle très actif, en particulier dans le développement de services inter-régimes et dans le pilotage du rapprochement entre les différents systèmes d’information. Etant donné leur poids démographique, l’Agirc-Arrco, la Cnav et la Caisse des Dépôts exercent au sein de l’Union Retraite une responsabilité importante. La dynamique dépend aussi de la bonne entente au sein du «couple franco-allemand», Cnav et Agirc-Arrco. Elles mènent de concert un nombre croissant d’opérations, commencent à créer des agences communes, afin ici encore de simplifier le parcours des assurés.
Quel est aujourd’hui le plus grand défi de l’Agirc-Arrco ?
Nous avons tous une tendance bien naturelle à nous occuper de la retraite – comme de la prévoyance – le plus tard possible, parce qu’au fond celle-ci nous renvoie à notre vieillissement, à notre disparition. Les jeunes générations y ajoutent un sentiment de défiance, de fatalisme. Dans les enquêtes revient souvent cette phrase : «De toute façon je n’aurai pas de retraite». A rebours de cette tendance, le défi est d’accroître la confiance en notre système et de créer les conditions d’une gestion précoce, proactive de sa retraite. D’abord, comme nous l’avons vu, en construisant un système plus simple, qui permette à chacun de connaître à tout moment ses droits, et d’intégrer automatiquement l’impact sur sa retraite de ses choix de vie personnels et professionnels. Ensuite en investissant dans l’information, la sensibilisation, le développement d’outils en phase avec les modes d’information des millennials et de la génération Z. L’Agirc-Arrco a par exemple créé l’appli Smart’Retraite (2), qui vous connecte à votre retraite dès le premier job, ou encore les Experts Retraite, une plateforme de conseil en ligne aujourd’hui sollicitée par toutes les générations. Dans notre communication «classique», à l’instar de notre dernière campagne radio et digitale, nous veillons à inclure des séquences qui parlent aux jeunes actifs. Et bien sûr nous n’oublions pas le conseil et l’accompagnement, indispensables, en nous portant au-devant des salariés et futurs salariés dans les entreprises, les forums étudiants, les salons de l’emploi; en organisant des événements comme les Rendez-vous de la retraite, deux fois par an : une semaine de rencontres entre grand public et conseillers retraite dans toute la France et 360 points d’accueil.
Si vous deviez citer une action de l’Agirc-Arrco ?
Ce n’est pas seulement une action, mais aussi une priorité de tous les instants : notre action sociale, qui accompagne chaque année plus de 2 millions de personnes, dans tous les domaines – emploi, santé, maintien à domicile, aide aux aidants, hébergement…- pour un budget global de 330 millions €. Nous sommes particulièrement attentifs à la qualité de notre parc de 90 établissements pour personnes âgées, géré sans but lucratif, avec des personnels très compétents, une politique active en RSE, et des démarches novatrices, fondées sur la bienveillance. Je vais moi-même, depuis des années, visiter des EHPAD, rencontrer résidents et soignants. C’est un engagement qui me tient à cœur, à titre personnel et au nom de toute la fédération, dont le principe fondateur, la boussole et la stratégie tiennent en trois mots, toujours utiles à rappeler dans ces temps troublés : solidarité entre générations.