Promulguée le 14 avril 2023, la réforme des retraites devrait entrer en vigueur au 1er septembre. Président de la Commission relations publiques et communication de la Cavec, Michel Giordano pointe différentes mesures, passées sous les radars médiatiques, qui pourraient s’avérer bénéfiques pour les experts-comptables et les commissaires aux comptes.
Quelle devrait être l’impact de la dernière réforme des retraites sur les affiliés de la Cavec ?
Je rappelle d’abord que la réforme ne concerne que le régime général, et qu’a priori elle est donc sans effet sur des régimes complémentaires comme le nôtre ou ceux de l’Agirc-Arrco, de l’Ircantec, des autres professions libérales… qui décident en toute autonomie de leurs règles de gestion. Ceci dit, une réforme fait toujours bouger de nombreux curseurs, et il appartient ensuite aux Caisses complémentaires d’étudier les dispositions susceptibles d’être utilement transposées ou adaptées. Les vives protestations contre la réforme ont braqué les projecteurs sur le report de la retraite à 64 ans – un sujet non pertinent pour les experts-comptables, dont l’âge de départ à taux plein est fixé à 65 ans. Elles ont laissé dans l’ombre différentes mesures dont la déclinaison au sein de notre régime complémentaire pourrait s’avérer intéressante pour nos affiliés.
Quelles sont ces mesures ?
J’en vois principalement quatre : l’instauration d’un cumul emploi-retraite plus avantageux, l’assouplissement de la retraite progressive, la création de nouveaux droits familiaux et l’allègement des conditions de départ pour les travailleurs handicapés. Nous devons attendre la parution des décrets d’application pour nous emparer pleinement de ces sujets et commencer à les travailler sur une base précise. A ce jour, seuls deux décrets concernant trois articles sont parus sur les 31 que prévoit la réforme. Nous espérons obtenir la plupart des textes avant la fin du mois de juillet, puisque le gouvernement a annoncé une entrée en vigueur de sa réforme au 1er septembre 2023. Rappelons que, celle-ci s’inscrivant dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, il est juridiquement nécessaire qu’elle s’applique dès cette année.
Parmi celles que vous avez citées, quelles sont les dispositions potentiellement les plus avantageuses pour la profession ?
Sans doute le renforcement du cumul-emploi-retraite. Les experts-comptables et les commissaires aux comptes sont des passionnés, très engagés auprès de leurs clients, qui pour beaucoup souhaitent conserver une activité après la retraite. Selon nos derniers pointages, plus de 1900 de nos affiliés se trouvent dans ce cas de figure, soit 15 % des retraités du régime. Que dit la réforme ? Que désormais les cotisations versées au titre de cet emploi ouvriront des droits supplémentaires à retraite (de base), et donneront lieu à une seconde liquidation, lors de l’arrêt définitif de votre activité. Jusqu’à présent, les cotisations sont versées à fonds perdus. C’est donc la correction d’une anomalie sociale qui pourrait intéresser nombre de nos affiliés. Aussitôt paru le décret d’application, nous réfléchirons à la possibilité d’étendre cette mesure aux droits à retraite complémentaire.
Que contiennent les autres articles présentant un intérêt pour la profession ?
Il s’agit notamment de l’élargissement aux professions libérales du dispositif de retraite progressive. Celui-ci permet, en fin de carrière, de réduire son activité professionnelle, en l’exerçant à temps partiel, et de percevoir en parallèle une partie de ses pensions de retraite. La réforme instaure une autre mesure d’équité : elle ouvre aux professions libérales la majoration de 10 % du montant de la retraite de base pour trois enfants ou plus. Enfin le nouveau texte assouplit les conditions de liquidation des droits pour les personnes en situation de handicap, sans toucher à l’âge de départ – à partir de 55 ans. La réforme introduit également un dispositif de départ anticipé pour les assurés reconnus inaptes au travail, ou justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à 50 %.
Quel est le cheminement pour passer d’un texte de loi général à la mise en œuvre de dispositions spécifiques à la Cavec ?
Encore une fois, nous sommes tributaires des décrets d’application. Une fois ceux-ci parus, les commissions compétentes de la Cavec analyseront en détail les textes, plancheront sur différentes propositions de transcription de certaines mesures, dûment chiffrées et présentées en conseil d’administration. Les délibérations du conseil sont ensuite adressées à la CNAVPL, et bien sûr soumises à l’approbation de notre double tutelle – ministère en charge de la sécurité sociale et ministère du budget. Nous pourrions donc produire les premières dispositions inspirées de la nouvelle loi au courant de l’année 2024. Nous ne manquerons pas d’informer les affiliés de l’avancement de notre travail, comme nous le faisons depuis les prémices de la réforme des retraites. Entre autres, nos webinaires consacrés au sujet ont fait le plein, attirant jusqu’à 2000 professionnels par session, dont beaucoup de jeunes experts-comptables. S’il est un enseignement à tirer des réformes qui se succèdent sans répit, c’est que la retraite se réfléchit et se prépare dès l’entrée dans la vie active. Cela vaut pour nous-mêmes aussi bien que pour nos clients.