Après maints épisodes, la réforme des retraites a été promulguée. Les décrets seront publiés au fil de l’eau d’ici fin juillet. Mais quelle incidence aura-t-elle sur notre régime de retraite professionnel ? Pour bien le comprendre un détour par les fondamentaux de notre modèle s’impose.
Si la réforme a épargné le régime de retraite des experts-comptables et commissaires aux comptes, certaines des mesures décidées auront tout de même un impact pour partie sur celui-ci. « La Cavec, ce sont trois régimes, un régime de retraite de base, un régime de retraite complémentaire et un régime de prévoyance », indique Frédéric Deknuydt, directeur de la caisse. « Dans la mesure où la réforme n’est que « paramétrique » et non « systémique », seul le régime de base est impacté. » Comment cela s’explique-t-il ? « Le régime de base est géré par la Cavec pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), qui est, de fait, entièrement réglementé par le Code de la sécurité sociale, et donc soumis à la réforme. Le régime complémentaire, pour lequel la Cavec fixe librement les paramètres, n’est de facto pas concerné. »
La Cavec gère ainsi trois régimes professionnels de protection sociale. Ces trois régimes sont obligatoires pour tous les experts-comptables et commissaires aux comptes libéraux inscrits à l’Ordre. Les experts-comptables et commissaires aux comptes salariés inscrits à l’Ordre cotisent, pour leur part, uniquement au régime de retraite complémentaire. Ils dépendent du régime général pour leur retraite de base et de leur employeur pour la prévoyance. L’ensemble des régimes, de base et complémentaire, fonctionnent par points et par répartition provisionnée. Pour les régimes de retraite complémentaire et de prévoyance, la Cavec dispose d’une autonomie de gestion. Voyons dans le détail ce que cela signifie.
Le régime de la Cavec en 5 points essentiels
- Un régime professionnel
En premier lieu, et c’est très important, rappelons que notre régime n’est pas un régime spécial, mais bien un régime professionnel. Il est piloté par la profession et destiné à « une » profession (les experts-comptables et commissaires aux comptes) qui a des besoins spécifiques. En effet, les experts-comptables suivent de longues études et entrent tardivement dans la vie active, l’âge moyen lors de la prestation de serment étant de 30 ans. Même s’ils prennent leur retraite relativement tardivement (64,3 ans en moyenne lors de leur départ en retraite), les experts-comptables ont donc une durée de cotisation assez courte comparativement à d’autres professions, dont leur régime de retraite tient compte.
- Un régime de retraite complémentaire et de prévoyance autonomes
Le régime de retraite de base est géré en délégation pour le compte de l’État (CNAVPL).
Le régime de retraite complémentaire est piloté de manière autonome par le conseil d’administration, composé uniquement d’experts-comptables et de commissaires aux comptes.
Le régime de prévoyance est lui aussi piloté de manière autonome par le conseil d’administration.
Sous le contrôle de la direction de la Sécurité sociale, les administrateurs de la Cavec opèrent, en toute autonomie, les arbitrages qu’ils jugent utiles pour la retraite complémentaire et la prévoyance, afin d’offrir la meilleure protection possible pour les affiliés de la caisse.
- Un régime complémentaire obligatoire pour tous
Le régime de retraite complémentaire de la Cavec est obligatoire pour chaque expert-comptable, qu’il soit salarié ou qu’il exerce en profession libérale, dès lors qu’il est inscrit à l’Ordre et pour chaque commissaire aux comptes libéral, dès lors qu’il est inscrit à la Compagnie. L’ouverture des droits à la retraite complémentaire à taux plein est fixé à 65 ans depuis toujours. En cas de départ anticipé à la retraite, une minoration est prévue, par exemple 5 % pour un départ à 64 ans.
- Un régime par points
Le régime de retraite de la Cavec est un régime par points depuis sa création, en 1953. Cela signifie que les cotisations versées par les affiliés, tout au long de leur carrière, permettent d’acquérir des points. Une fois à la retraite, le total des points accumulés est converti en pension de retraite. Plus les cotisants ont de points, plus la retraite est élevée.
- Un régime par répartition provisionnée
Le régime de retraite des experts-comptables et commissaires aux comptes repose enfin sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. Ainsi, ce sont les actifs du régime qui paient les pensions des retraités avec leurs cotisations. Les réserves, constituées lorsque le nombre de cotisants était ou est ? supérieur au nombre de pensionnés, servent d’amortisseur au régime : elles évitent de surtaxer les actifs ou de baisser drastiquement les pensions en cas de détérioration démographique, économique ou institutionnelle.
Ce tour d’horizon opéré, venons-en à l’impact de la réforme. Comme nous l’évoquions précédemment, la réforme n’impacte en aucun cas le régime de retraite complémentaire. Ce qui n’empêchera pas d’envisager d’éventuels aménagements liés aux modifications apportées.
L’impact de la réforme sur le régime de base
La réforme impacte le régime de base des experts-comptables et commissaires aux comptes, qu’ils dépendent du régime général (salariés) ou du régime CNAVPL géré par la Cavec (libéraux). Retrouvez ici les points essentiels :
- Le report de l’âge de départ à taux plein
Objet de bien des débats, ce point de la réforme est largement connu. L’âge d’ouverture du droit au départ à taux plein, jusqu’alors établi à 62 ans pour le régime de base, passe donc à 64 ans. À partir du 1er septembre 2023, cet âge sera progressivement relevé, à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. L’âge d’ouverture à la retraite sera porté à 63 ans et 3 mois en 2027 (génération 65) pour atteindre 64 ans en 2030 (générations 68 et suivantes).
Il est à noter que ce point ne concerne dans les faits que peu les experts-comptables et commissaires aux comptes libéraux, dans la mesure où les professionnels prennent en général tous leurs droits en même temps, et que l’âge d’ouverture des droits à taux plein pour la retraite complémentaire est fixé depuis toujours à 65 ans.
- L’allongement de la durée de cotisations pour les professionnels nés à partir de 1965
L’ouverture des droits au régime de base est soumise à une durée de cotisations donnée, selon l’âge. Jusqu’alors, pour un affilié né en 1965, la durée d’assurance requise pour obtenir un départ à taux plein était de 169 trimestres. À partir de l’année de naissance 1973, elle était fixée à 172 trimestres.
Avec la réforme, la durée d’assurance requise pour accéder au taux plein de la retraite de base passe à 172 trimestres pour toutes les personnes nées dès 1965 (+ 3 trimestres).
- L’élargissement du dispositif « carrières longues »
Les personnes qui ont commencé à travailler :
- Avant 16 ans pourront partir à 58 ans
- Entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans
- Entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans.
- Et ceux qui ont débuté entre 20 et 21 ans pourront partir à 63 ans (quatrième borne d’âge ajoutée par amendement)
- L’évolution des règles de retraite progressive et de cumul emploi-retraite
Des évolutions vont avoir lieu afin de faciliter la retraite progressive et d’encourager le cumul emploi-retraite. Ces deux mécanismes, qui permettent de cumuler une activité avec le versement d’une pension de retraite, vont être modifiés avec la réforme.
La retraite progressive devrait notamment être ouverte aux professionnels libéraux, qui n’y avaient jusqu’à présent pas accès. La retraite progressive est la possibilité de passer en activité à temps partiel deux ans avant l’âge légal de départ. Autrement dit, le départ à la retraite progressive serait désormais possible pour les professionnels libéraux, à partir de 62 ans. Quant au cumul emploi-retraite, il devrait désormais ouvrir des droits pour ceux qui s’y engagent, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Une réflexion à mener pour le régime de retraite complémentaire ?
« Aucun changement n’impacte donc notre régime de retraite complémentaire, ce sont vraiment les membres du conseil d’administration qui décideront dans le futur de procéder, ou non, à des ajustements », nous rappelle Frédéric Deknuydt. « Il est vrai que si les règles évoluent pour le cumul emploi-retraite et la retraite progressive, il peut être intéressant de mener une réflexion similaire pour notre régime complémentaire. »
À ce jour, les cotisations versées lors d’un cumul emploi-retraite n’ouvrent pas de droits, il s’agit d’un pur mécanisme de solidarité. S’il décide d’analyser cette possibilité d’évolution, le conseil d’administration s’appuiera alors sur des études techniques chiffrées produites par la commission Prospective, qui pourra modéliser l’effet sur le régime des différents scenarii envisagés.
« Plusieurs éléments pèseront dans la balance pour décider d’éventuelles évolutions, inscrites ensuite dans les statuts de la caisse. Si, en termes de justice sociale, l’ouverture de droits pour le cumul emploi-retraite va dans le bon sens, par exemple, il est important néanmoins de veiller à ce que cela ne vienne pas déséquilibrer notre régime complémentaire. »
Le temps de la réflexion et la recherche de l’équilibre, deux vertus que la Cavec se plait à toujours cultiver, avec le succès qu’on lui connait.