Si le projet de loi « pouvoir d’achat » trouve une majorité à l’Assemblée nationale, les retraites de base seront prochainement revalorisées de 4 %. Quid des retraites complémentaires, non gérées par l’État ?
Représentant les salariés du privé, l’Agirc-Arrco ne devrait pas bouger avant le 1er novembre, date de réévaluation de son point de retraite. La Cavec, de son côté, a imaginé un dispositif susceptible de bénéficier plus rapidement à ses affiliés. Explications suite à un entretien avec Michel Giordano, président de la commission relations publiques.
Le projet de loi relatif aux « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » sera examiné par l’Assemblée à partir du 18 juillet. Face à la flambée des prix à la consommation (+ 4,8 % en avril, + 5,2 % en mai et + 5,8 % en juin 2022, par rapport aux mêmes mois de 2021), le gouvernement propose notamment une revalorisation de 4 % des prestations sociales, dont les retraites des régimes de base.
Si l’Assemblée, dans sa nouvelle configuration, vote le dispositif gouvernemental, les pensions augmenteront dès le mois de juillet, avec un versement effectif annoncé pour le mois d’août.
« En théorie, le gouvernement aurait pu décider d’un versement, à condition de le compenser entièrement, en vertu de la loi Veil de 1994(1). Pour échapper à cette obligation de compensation, il devrait plutôt, selon nos informations, proposer l’octroi d’une avance sur les revalorisations pratiquées annuellement par les différents régimes », indique Michel Giordano.
À l’initiative sur les retraites de base, l’État ne dispose pas des mêmes leviers d’action sur les retraites complémentaires, gérées par les partenaires sociaux ou les organismes professionnels.
Plus grand organisme de gestion des retraites complémentaires, pour le compte de 19 millions de salariés et 13 millions de retraités du privé, l’Agirc-Arrco a d’ores et déjà annoncé qu’il ne devrait pas déroger à son calendrier réglementaire, soit une réévaluation au 1er novembre 2022. En l’état actuel de l’accord-cadre qui détermine le calcul du point Agirc-Arrco, cette hausse ne peut dépasser l’augmentation du salaire annuel moyen des cotisants au régime. Elle devrait donc rester bien en deçà de l’inflation, et des + 4 % prévus pour la retraite de base.
La Cavec, de son côté, doit résoudre une sorte de quadrature du cercle pour augmenter de façon rapide et significative les pensions de ses affiliés.
« Nous avons toujours aligné les retraites, a minima, sur la progression de l’inflation. En l’occurrence, une hausse de 5 % signifierait un bond corrélatif de 6 à 8 % des cotisations. C’est impraticable, la plupart de nos affiliés en activité ne pouvant augmenter leurs honoraires dans de telles proportions ».
Solidarité innovante
La Cavec dispose cependant de réserves accumulées avec prudence et méthode – elles ont été multipliées par 12 en 30 ans, dépassant aujourd’hui les 2 milliards d’euros – afin de garantir les retraites futures des jeunes générations et de faire face aux aléas démographiques ou économiques.
Pour lutter contre l’incendie inflationniste, la Caisse pourrait ainsi, en sollicitant ses réserves, relever le niveau de ses prestations sans affecter celui des cotisations. « La difficulté, ici, c’est qu’un tel mécanisme améliorerait encore notre taux de rendement – le rapport entre les valeurs de versement et d’achat du point. Or nos autorités de tutelle, direction de la Sécurité sociale et ministère du Budget, nous demandent régulièrement de le baisser, au motif qu’il dépasse de loin celui des autres régimes complémentaires(2). Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires : augmenter les pensions et diminuer le rendement ».
Une solution pourrait être trouvée sous la forme d’un versement unique exceptionnel, au titre du second semestre 2022, à la manière des chèques inflation distribués par le gouvernement. « Le chèque retraite permettrait de compenser la perte de pouvoir d’achat subie par nos allocataires, sans toucher aux cotisations ni au taux de rendement. Ce serait le moyen de concilier la justice sociale avec nos contraintes d’équilibre. Cette idée intéresse également plusieurs autres caisses de retraite complémentaire de professions libérales ».
Le conseil d’administration de la Cavec pourrait étudier ce dispositif innovant dans un délai relativement court, pour un versement unique dès le mois de septembre prochain. Il faudrait bien sûr, au préalable, que la direction de la Sécurité sociale et le ministère du Budget valident la proposition.
« Les retraités sont pris entre le marteau de l’inflation et l’enclume d’un revenu fixe, non extensible. Toute détérioration de leur pouvoir d’achat crée une situation assez anxiogène, puisqu’à la différence d’une personne en activité, ils n’ont plus tellement de marge de manœuvre pour augmenter leurs ressources. La question du reste à vivre est donc essentielle ».
En cas de difficulté, les affiliés de la Cavec et leurs ayants droit peuvent également solliciter la commission des affaires sociales de la Caisse. Après avoir mis en place des dispositifs de soutien spécifiques pendant la crise sanitaire, les équipes de la Cavec se tiennent prêtes à répondre rapidement à toute demande d’aide financière. Plus que jamais, en ces temps d’incertitude, la Cavec entend s’appuyer sur ses valeurs de solidarité.
(1) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, initiée par Simone Veil.
(2) Le taux de rendement de la Cavec atteint 8,6 % en 2022, soit le deuxième taux le plus favorable parmi les caisses de retraite complémentaire. Il signifie qu’un affilié de la Cavec récupère l’intégralité des cotisations versées pendant sa carrière en un peu moins de 12 ans de retraite.